Chamayou nous indique dans son livre que l’année 1932 offre une sorte d’alignement des planètes aux libéraux autoritaires allemands.
Alexander Rüstow, Carl Schmitt et Ernst Jünger opèrent un « aggiornamento » théorique qui concerne les rapports entre l’État et l’économie.
Ils abandonnent la thèse de la non-intervention étatique et proposent d’huiler la machine capitaliste. Ils inventent la notion « d’interventionnisme libéral ». Cette modalité d’intervention n’ira plus « à l’encontre des lois du marché, mais dans la direction des lois du marché ».
Soit exactement à l’opposé des interventions antérieures qui visaient à instaurer des sortes d’amortisseurs sociaux.
La doctrine revisitée du néolibéralisme peut se résumer par : aller dans le sens du vent capitaliste.
Au lieu de chercher à diriger le capitalisme, ils proposent de le brosser dans le sens du poil.
Cette nouvelle sorte d’intervention « n’œuvre pas au ralentissement, mais à l’accélération des processus naturels ». L’interventionnisme libéral se définit clairement comme un accélérateur de particules.
Dès lors, la politique à mettre en place au travers des réformes économiques se conçoit comme un variateur de vitesse, on ne peut pas changer le cours des choses, juste faire « avance rapide ».
Il ne leur vient pas à l’esprit de tirer le frein d’urgence ; il s’agit d’appuyer seulement sur l’accélérateur, quitte à foncer à tombeau ouvert vers le précipice.
Pour la réalisation de cette politique, les libéraux allemands se devaient d’exiger un État fort qui se caractériserait par « Autorität und Fuhrertum ». (En français : « autorité et volonté de direction »).
Par un curieux clin d’œil à la situation actuelle en France, le libéralisme autoritaire tel qu’il émerge en Allemagne en 1932 se définit ‘’en même temps’’ comme interventionniste sur le plan économique et autoritaire au plan politique.
Il importe d’insister sur ces deux aspects ! Dans le libéralisme autoritaire, l’interventionnisme économique ne va pas sans l’autoritarisme politique.
Le libéralisme autoritaire, c’est la rencontre entre un autoritaire qui se révèle libéral et un libéral qui s’affirme autoritaire.
En 1932 en Allemagne ? le nouveau costume libéral est taillé, mais il reste à trouver celui qui va l’endosser.
Contrairement à beaucoup d’idées reçues ? le premier choix des libéraux autoritaires n’est pas Hitler.
À l’inverse, c’est plutôt le manque d’homme providentiel dans le camp libéral qui amène en janvier 1933 Hitler au pouvoir. C’est ce nous verrons la semaine prochaine avec Grégoire Chamayou.