Nous resterons en vie tant que quelqu’un se souviendra de nous

Maria Ferrer Palau est née en 1919, elle a grandi et vécu au numéro 2 de la rue Vista Alegre, dans la vieille ville d’Ibiza.

En août 1936, la guerre civile ravage son île. Sans hésiter un instant, à l’âge de 17 ans elle s’engage avec son amie d’enfance Maria Costa Torres dans la colonne de combattantes du syndicat du transport maritime de la CNT.

Elles s’engagent comme miliciennes et partent reprendre son île natale, Majorque, qui est aux mains des fascistes.

Maria débarque sur l’île le 16 août 1936, avec d’autres compagnes et compagnons, elle participe aux combats autour de la commune de Son Servera. Ces combats furent acharnés et violents. Les forces républicaines quittent l’île la nuit du 3 décembre 1936 sur ordre du ministère de la Marine de guerre.

Une fois arrivée à Barcelone, elle s’installe avec son inséparable compagne Maria Costa au 9 de la rue Pelai, en centre-ville. Très rapidement elles repartent pour le front, cette fois en Aragon, avec la colonne « Roja y Negra ».

Sur le front aragonais elle noue une relation amoureuse avec Manuel Montès. Comme elle, il a fait partie de l’expédition des Baléares, de la même colonne du syndicat du transport maritime.

Ils partagent les difficiles journées de combats autour de Huesca.

Personne ne sait avec précision où et quand mourut Maria. Nous savons seulement qu’elle est morte dans les environs du village d’Igriès en 1936. Nous savons que Manuel a survécu à la guerre et nous savons qu’il ne voulait pas que le souvenir de Maria s’efface.

En pleine dictature franquiste, il revient momentanément dans la petite commune d’Igriés et place une plaque en souvenir de la jeune milicienne.

Au cimetière, derrière la petite église romane, il y a toujours cette plaque en marbre. On peut y lire en grosse lettre : « A la mémoire de Maria Ferrer Palau. Son compagnon, Manuel Montès ».

Personne, au village, ne se souvient d’avoir été témoin de l’installation de cette plaque, mais tout le monde est sûr de deux choses : la plaque est apparue un matin, après la fin de la guerre, Maria Ferrer Palau était le nom d’une jeune milicienne morte au combat en cette lointaine année 1936.

La plaque est demeurée intacte durant les longues années du franquisme grâce à la complicité des habitants d’Igriès. Ils ne révélèrent jamais l’histoire qui se cachait derrière cette inscription. S’ils l’avaient révélée, la dépouille de Maria aurait été retirée du cimetière par l’église et les franquistes et jetée dans une fosse commune.

Comme dans la plupart des villages de l’Aragon, à Igriès la guerre fut traumatisante. La dictature imposa un tel degré de terreur qu’il est incroyable que la mémoire de Maria ait pu être honorée toutes ces années.

À Igriés, un bouquet de fleurs est déposé chaque 14 avril sur la tombe de Maria.,

Le 14 avril est la date anniversaire de la proclamation de la Seconde République. Tous les 14 avril, quelqu’un vient, anonymement, fleurir sa tombe.

Cette volonté de ne pas oublier est le plus bel hommage qui puisse être rendu à une combattante de la liberté partie au front, comme des milliers d’autres, pour une cause qu’elle considérait comme sienne.

Une lutte pour laquelle elle a donné ce qu’un être humain possède de plus cher : sa vie.

 

 

 

 

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