« Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre. » Cette citation cent fois rabâchée du vieux Churchill au moment de la crise de Munich en 1938 est toujours d’actualité en ce printemps 2022. Elle illustre parfaitement le naufrage de la macronie face à l’extrême droite. Face au diable, on ne tergiverse pas, on ne négocie pas, on ne transige pas, on ne se croit pas plus malin que lui, on ne débat pas.
Pourquoi ? Parce que louvoyer c’est cautionner, c’est accepter que les valeurs de haine et d’exclusion puissent avoir droit de cité dans l’espace public. Jacques Chirac l’avait bien montré en 2002 en rejetant l’hypothèse d’un débat et en traçant clairement les lignes rouges pour les hommes de son camp. Pourtant, depuis 2007, les cartes ont été rebattues en faisant de l’extrême droite et de ses idées la clef de voûte du débat public. Cela a poussé une coterie «d’extrême centre» à instrumentaliser cette situation pour essayer de conserver le pouvoir, moyennant une crise démocratique majeure et endémique depuis 2017.
En reprenant le vocabulaire et les concepts de l’extrême droite (Islamo-gauchisme, wokisme) en faisant des appels du pied répétés qui à De Villiers, qui à Eric Zemmour, qui à Robert Ménard, en cultivant une ambiguïté cynique sur la question du barrage républicain (le barrage républicain n’existe pas, ça n’a jamais existé)‚ la macronie a joué avec le feu et le résultat c’est le naufrage de cette aventure qui montre son vrai visage : l’épopée d’un arriviste cynique soutenu par des godillots tout aussi cyniques, arrivistes, dépourvus de la moindre conviction et pire encore de la plus élémentaire morale démocratique. Cyniques au point de nous faire vivre dans un monde orwellien tant ils ont abîmé le sens des mots en s’appropriant celui de République dont ils n’ont jamais été aussi éloignés.
Si ces gens avaient un brin de culture historique, ils se seraient souvenus qu’aux temps où il fallait enraciner et consolider la République, il y avait la notion de discipline républicaine qui était pratiquée pour empêcher «la Réaction» d’arriver au pouvoir. En 2022, c’est l’inverse qui s’est produit, après avoir usé des voix de gauche à la présidentielle, la macronie a, par son attitude, augmenté historiquement le score et l’implantation de l’extrême droite. Si quelques figures ont courageusement appelé à faire barrage, comme Renaud Muselier, d’autres se sont vautrées dans la compromission, l’outrance et le ridicule comme Amélie de Montchalin ou Roxanna Maracineanu. Les électeurs n’ont d’ailleurs pas manqué l’occasion de leur faire rejoindre les poubelles de l’Histoire. Ce navrant constat se décline également à l’échelle locale.
Emmanuelle Ménard progresse de près de 7000 voix entre les deux tours avec une participation en baisse. Cela pose la question des reports. Qui a voté Ménard ? Les électeurs de reconquête malgré les désaccords entre Zemmour et les Ménard ont probablement choisi une candidate qui leur est proche idéologiquement. Pourtant le compte n’y est pas.
Pour arriver aux 26000 suffrages, la force d’appoint principale est à rechercher chez les perdants du premier tour, les plus gros viviers de voix se trouvant chez Florence Brutus et Mathilde Tastavy. La première, relayée par Carole Delga, a exprimé une position claire en faveur d’un barrage républicain et ses 2600 électeurs du premier tour se sont probablement globalement reportés sur Magali Crozier.
En revanche l’attitude des électeurs macronistes ne laisse pas d’interroger. Les 6500 électeurs de Mathilde Tastavy ne se sont visiblement pas contentés de voter blanc ou de s’abstenir, sinon comment expliquer la progression en voix spectaculaire d’Emmanuelle Ménard ? L’attitude de la candidate marcheuse et de ses soutiens entre les deux tours leur fait porter une responsabilité immense. On peut rappeler les procès en sorcellerie intentés à la gauche en 2017, accusée de ne pas avoir fait élire Isabelle Voyer. Pourtant celle-ci avait fait mieux que figurer. Non pas sur une adhésion macroniste, qui n’est qu’une chimère en Biterrois, mais bel et bien sur le barrage qu’avaient encore fait les électeurs de gauche, aujourd’hui insultés et méprisés de façon indigne par LAREM. C’est une faute politique et un naufrage moral qui discréditent ses auteurs auxquels on conseillera d’éviter désormais de se présenter comme des matamores anti-Ménard et des distributeurs de brevets en républicanisme.