Le fait de casser les codes usuels pour faire bouger les lignes semble être devenu la marque de fabrique de la droite extrême et de l’extrême droite. Les « casseurs » sont de plus en plus nombreux au niveau local, national et international. Loin d’être un simple jeu avec les limites, cette propension est la « substantifique moelle du fascisme ».
Il existe un lien autre qu’idéologique entre un Ménard à Béziers, un Darmanin ou Retailleau à Paris et un Trump et un Musk à Washington.
Ce lien, c’est l’art de casser les codes usuels qui régissent des pratiques politiques pour en imposer d’autres.
La forme de ces « casses » est bien sûr différente et n’a pas les mêmes enjeux politiques, géostratégiques. Le refus d’un mariage à Béziers ne peut pas avoir la même portée qu’une modification du droit du sol à Paris ou l’annexion du Groenland à Washington. Pourtant, tous ces exemples ne font qu’un au niveau de l’intention.
L’intention, assumée, est de changer les règles et lois en place.
Changer les règles en place, pour le maire de Béziers c’est obtenir un droit de veto local ; pour les ministres de la Justice et de l’Intérieur français, c’est abroger un droit existant ; pour le Président des USA, c’est annexer un territoire étranger.
La stratégie qui vise à « casser les codes » est elle aussi identique. Elle consiste à remettre en cause un fait établi pour imposer une nouvelle construction.
Le plus souvent les « casseurs » sont hors la loi, ce qui est paradoxal au vu de leurs différents mandats institutionnels.
Ce paradoxe génère la tétanisation de leurs adversaires qui, au pire, pensent que c’est du « bluff » ou de la « communication ».
C’est bien sûr de la communication, mais pas au sens d’un message neutre dénué d’objectifs. Là, l’objectif est affiché, évident, dérangeant. Il est dérangeant, car le citoyen habitué à une démocratie pantouflarde ne veut pas voir ou entendre que les fondements de cette démocratie vont être remis en cause.
C’est précisément à ce moment que la mécanique fasciste se met en place. Avec des citoyens tétanisés et des adulateurs galvanisés.
Les adulateurs galvanisés ont un temps d’avance sur les citoyens tétanisés parce qu’ils sont guidés par un chef. À Béziers, une foule hostile conspuait le couple interdit de mariage, à Paris il est question d’un référendum sur le droit du sol, à Washington les factieux du Capitole sont graciés par Trump.
Le rôle du chef qui agit et qui pense à la place du peuple est consubstantiel de l’idéologie d’extrême droite.
C’est en quelque sorte la préhistoire du fascisme.
Quand un chef s’est dégagé, qu’il est seul aux commandes, l’expérience fasciste peut alors commencer. Nul ne sait à l’avance quelles formes elle va prendre. Souvent les fascistes avancent à tâtons de façon erratique.
Le temps d’avance fasciste que nous connaissons actuellement n’est pas immuable.
L’expérience fasciste va heureusement se heurter à d’autres réalités, d’autres choix de société. On le voit en ce moment au niveau international avec l’expérience « trumpiste ».
Ce choc va créer d’inévitables tensions, radicalisations, conflits. C’est pour cela que le fascisme porte en lui la guerre comme l’orage la pluie et la grêle.
À Béziers, à Paris, à Washington, le temps des pantoufles est terminé. Il faut lui opposer le temps des mobilisations.
Des mobilisations contre le projet fasciste et pour un projet alternatif, émancipateur, social et écologiste.
Ce projet ne peut pas être décliné de la même manière à Béziers, à Paris, à Washington.
Mais il devra partout opposer l’intérêt de la multitude à celle du chef. C’est ce travail de construction qu’il faut mener au niveau local, national et international.
Il faut le mener vite, car le temps est compté et le temps des pantoufles terminé.