Une autre histoire – 30 juin 1643, Molière fonde l’Illustre Théâtre

par | 27 juin 2022 | Culture

Le 30 juin 1643, voilà exactement 379 ans, Jean-Baptiste Poquelin fonde à 21 ans L’Illustre-Théâtre avec ses amis comédiens. Lui-même prend bientôt la tête de la troupe et adopte en août 1644 le pseudonyme de Molière (nom d’un romancier naguère à la mode).

Né le 15 janvier 1622, le futur comédien fait d’excellentes études dans le très réputé collège jésuite de Clermont (aujourd’hui lycée Louis-le-Grand) et s’oriente vers le droit, mais sans guère l’envie d’y donner suite, au grand désespoir de son père.

Avocat à 18 ans, il se lie avec des comédiens et en particulier Tiberio Fiorelli, dit Scaramouche, vedette de la comédie italienne. Il rencontre aussi Madeleine Béjart, directrice d’une troupe déjà connue, ainsi que ses frères Joseph et Louis. Fort de ces nouvelles amitiés, il rompt avec son père pour suivre sa vocation de comédien.

C’est ainsi que naît l’Illustre-Théâtre. La même année meurent le cardinal de Richelieu et le roi Louis XIII et monte sur le trône le roi Louis XIV. L’ascension de Molière sera concomitante avec celle du futur Roi-Soleil.

Molière, Madeleine et sept autres comédiens établissent leur petite troupe dans une salle du jeu de paume dite des Métayers puis dans celle de la Croix-Noire. Mais le succès se fait attendre et la faillite survient deux ans plus tard, en mai 1645. Molière connaît alors la prison pour dettes.

Libéré, il entame avec Madeleine Béjart des tournées à travers la France dans la troupe du duc d’Épernon, sous la direction de Charles Dufresne et sillonne les routes du Languedoc. En 1650, les Etats Généraux du Languedoc se tiennent à Pézenas et la troupe est retenue pour divertir ces messieurs.

A Lyon, il crée sa première comédie, l’Étourdi. Elle est suivie l’année suivante à Béziers du Dépit amoureux. En 1658, à l’âge avancé de 37 ans, Molière n’a encore rien écrit de notable mais bénéficie d’une excellente réputation de comédien et surtout de la protection de Philippe d’Orléans, frère unique du roi. Il joue devant Louis XIV Nicomède. Cette tragédie du vénérable Corneille, de quinze ans son aîné, ne déride pas le jeune roi. Mais le comédien enchaîne dans la foulée avec sa pièce Le docteur amoureux, une comédie qui le fait rire aux éclats !

Sa carrière est enfin lancée ! Il triomphe à Paris le 18 novembre 1659 avec Les Précieuses ridicules et va dès lors donner dans les quatorze années qu’il lui reste à vivre la totalité de ses chefs-d’œuvre.

Le comédien joue avec sa troupe à Vaux-le-Vicomte, pour le surintendant Nicolas Fouquet, puis à Versailles, pour le roi Louis XIV en personne. La protection du surintendant puis du roi lui permet de faire face aux cabales, jalousies et médisances. Elle lui vaut aussi des revenus très élevés, qu’il dépense aussitôt que gagnés. Molière assume une fonction équivalente à celle de bouffon du roi, avec le droit de tout dire et de tout jouer. Des contemporains admiratifs en viennent à le considérer comme un « demi-dieu ».

Les Fâcheux, première ébauche des comédies-ballets, amorce sa collaboration avec le compositeur Lully.

Le 20 février 1662, il épouse Armande Béjart, fille de Madeleine, de 20 ans sa cadette, et que des ennemis malveillants soupçonnent d’être sa propre fille. Pour elle, il va écrire ses plus beaux rôles féminins.

1662, il fait sensation avec L’École des femmes, une critique sévère de l’asservissement des femmes et du mariage de convention. Lui-même joue dans cette pièce le rôle vedette, celui d’Arnolphe, le vieux prétendant de l’ingénue Agnès, interprétée bien évidemment par sa jeune épouse qui ne tardera pas à le tourmenter par ses infidélités.

Ce succès exacerbe les jalousies et les calomnies. Le roi y met un terme en acceptant d’être le parrain de Louis, le fils d’Armande et de Molière, en février 1664.

La même année, Molière et Lully s’associent pour composer la première comédie-ballet authentique, Le Mariage forcé, qui mêle étroitement l’intrigue théâtrale, la danse et la musique. En sept ans de collaboration, avant que la brouille et la mort ne les séparent, « les deux Baptistes » (ils portent le même prénom) en créeront au total onze, la plus célèbre étant Le Bourgeois gentilhomme.

Deux ans après la cabale des pudibonds contre L’École des femmes, le comédien doit faire face à une cabale des dévots autour de la reine mère, Anne d’Autriche, après la première représentation de Tartuffe, sévère critique de l’hypocrisie religieuse, le 12 mai 1664, dans le parc de Versailles,

La reine mère Anne d’Autriche ayant fait interrompre la représentation, c’est seulement le 29 novembre suivant que le comédien peut donner l’intégralité de sa pièce. Il obtient de la faire rejouer trois ans plus tard. Mais l’archevêque de Paris n’hésite pas à menacer d’excommunication quiconque la jouera ou la verra. Enfin le roi l’autorise à nouveau et elle fait un triomphe le 5 février 1669.

Apparaissent entre temps d’autres chefs-d’œuvre : Dom Juan, une pièce en prose qui est une réponse à la cabale de Tartuffe et inspirera plus tard Mozart,  le Misanthrope en 1666 ou encore l’Avare deux ans plus tard…

Beaucoup de ces chefs-d’œuvre expriment, derrière le rire, une dénonciation des rigidités bourgeoises du Grand Siècle et une approche quelque peu libertine de la vie. Plus que tout, ils témoignent de la vitalité de la langue française, laquelle continue encore aujourd’hui d’être qualifiée « langue de Molière ».

En 1667, la troupe, installée au Palais-Royal, se voit trahie par le jeune Jean Racine, nouveau tragédien à la mode, qui lui enlève sa pièce Alexandre le Grand et la confie à la troupe rivale de l’hôtel de Bourgogne. Du coup, le grand (et vieux) Corneille quitte l’hôtel de Bourgogne et se rapproche du comédien

Le 24 mai 1671, Molière crée Les fourberies de Scapin au théâtre du Palais-Royal, dans l’esprit de la commedia dell’arte. De cette pièce aujourd’hui célèbre, nous avons hérité l’expression  : « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? »…

En dépit de sa verve comique et de son statut de vedette, l’auteur est décrit par ses proches comme un homme réservé et grave au-dessus duquel s’accumulent les nuages : il voit mourir Madeleine Béjart en février 1672 ainsi que l’un de ses fils.

Le 17 février 1673, un an plus tard très exactement, Molière s’écroule à l’issue de la quatrième représentation du Malade Imaginaire. Il meurt quelques heures après, dans son domicile de la rue de Richelieu. Il a seulement 51 ans mais est usé par le travail et pas moins de 2500 représentations en moins de quinze ans, par les soucis d’argent, par les tourments affectifs et les infidélités d’Armande et sans doute aussi par la tuberculose.

Tandis que l’Église, rancunière, veut livrer sa dépouille à la fosse commune, le roi obtient qu’il soit inhumé en terre chrétienne, dans le cimetière des non-baptisés. Et c’est en catimini, pendant la nuit, qu’il y est conduit.

Molière est l’enfant chéri de Pézenas : c’est là qu’au XIXe siècle se rallume la flamme de son souvenir. C’est là qu’on érige à sa gloire un monument financé par la souscription nationale. C’est là que l’on commémore sa mort et que la Comédie-Française vient lui rendre hommage. Aujourd’hui encore, cette mémoire cultivée par les Piscénois demeure vivace et l’esprit de Molière hante toujours la ville. En témoigne la réhabilitation du théâtre historique, le festival Molière et la troupe de L’illustre Théâtre. …

….mais c’est une autre histoire !

Version audio avec illustration musicale à écouter sur Radio Pays d’Hérault ICI

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