Le 3 juillet 1940, voilà 82 ans,  la Royal Navy attaque la flotte française amarrée dans la rade nord-africaine de Mers el-Kébir, près d'Oran.La brutalité de l'attaque (1297 morts chez les marins français) réveille en France une anglophobie latente. C'est une aubaine pour les partisans d'une cohabitation avec l'occupant allemand.

Une semaine plus tard, le 10 juillet, l'Assemblée Nationale issue des élections de 1936 et du Front populaire vote à une écrasante majorité les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

L'obsession des Anglais dès juin 1940 est que la flotte française ne doit pas devenir allemande. Seuls à faire face aux nazis, après l'armistice franco-allemand du 22 juin 1940, les Anglais craignent non sans raison que la flotte française, puissante et réputée, ne soit un jour réquisitionnée par les Allemands même si la convention d'armistice prévoit le désarmement des navires dans leur port d'attache.

Le Premier ministre Winston Churchill décide en conséquence de s'emparer de tous les navires de guerre français à sa portée. C'est l'opération «Catapult». Cette opération est surtout l'aboutissement d'un différent politique et diplomatique qui opposa le cabinet  britannique et le gouvernement français à partir du 13 juin 1940. La Grande Bretagne consentait  à un armistice uniquement si la flotte rallait les ports britanniques. En fait  les Français tardèrent  à communiquer aux Anglais les termes des conditions de l'armistice   avec les Allemands et notamment l'article 8 qui réglait le sort de la flotte. Ils ne furent pas non plus informés des ordres de Darlan à toutes les unités maritimes de ne jamais abandonner à l'ennemi un bâtiment de combat. Cette information aurait rassurée les Anglais et peut-être évité cet épisode dramatique. Churchill fera cette déclaration devant la Chambre des Communes : « Ce fut une décision extrême, la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles que j'ai jamais eu à partager. Les Français étaient encore la veille nos alliés très chers et nous éprouvions une sincère sympathie pour leur pays qui avait tant souffert. De l'autre côté, notre existence nationale et le salut de notre cause étaient en jeu ; C'était une tragédie grecque ... »

Dès le 2 juillet 1940, l'opération « Catapult» était lancée. Par des ruses diverses ou par la menace, des officiers britanniques montent à bord des navires français amarrés dans leurs ports, à Portsmouth et Plymouth. Capturés, les marins et officiers se voient proposer de rejoindre de Gaulle. La plupart refusent, par fidélité au gouvernement légitime, et se font rapatrier.

Les Anglais excluent de s'en prendre aux navires français amarrés à Toulon, car leur attaque est risquée et d'autre part inciterait les Allemands à occuper ce port, pour l'heure épargné. L'escadre amarrée dans la rade de Mers el-Kébir, en Algérie, paraît davantage à leur portée.

Churchill doit résister dans son propre cabinet de guerre à ceux qui conservent l'espoir d'amadouer Hitler ! Le Premier ministre voit donc dans l'attaque de Mers el-Kébir un double avantage : d'une part enlever aux Allemands toute chance de s'emparer des navires, d'autre part - le plus important sans doute à ses yeux - briser tout espoir d'accommodement avec le Führer et ses douteux comparses de Vichy.

Le 3 juillet au matin, l'amiral britannique James Somerville se présente devant la rade de Mers el-Kébir, près d'Oran à la tête d'une puissante flotte de guerre. Peu confiant dans l'issue des négociations, il fait miner l'entrée de la passe par ses avions de l'aéronavale.

Un négociateur anglais  se rend auprès de l'amiral Gensoul, commandant de la flotte française  et lui propose soit de suivre les Anglais, soit encore de se réfugier dans les Antilles, soit à la rigueur de se saborder.

Cependant que les discussions s'éternisent, les Anglais captent un message de l'amiral Darlan au vice-amiral Gensoul : le chef de la marine française lui fait savoir que les escadres de Toulon et d'Alger se portent à son secours ! Les négociations s'interrompent aussitôt et le plénipotentiaire regagne la flotte anglaise, à l'abri derrière la jetée qui protège le port.

Vers 17 heures, les Anglais ouvrent le feu sur l'escadre, composée de puissants et prestigieux croiseurs ou cuirassés : Dunkerque, Strasbourg, Provence, Bretagne, ainsi que de 15 torpilleurs, 6 sous-marins. Coulé à la troisième minute du combat, le Bretagne entraîne près d'un millier de marins dans la mort.

Au bout d'un quart d'heure, le tir cesse mais les avions anglais reviennent à la charge le 6 juillet et endommagent gravement le Dunkerque. Le Strasbourg et trois contre-torpilleurs réussissent entre-temps à s'enfuir et regagner Toulon, suivis quelques semaines plus tard du Provence et du Dunkerque. Ces navires vont en définitive se saborder avec le reste de la flotte le 27 novembre 1942 pour échapper cette fois aux Allemands.

Dès le lendemain de cette lutte qualifiée de « contre nature » par Churchill, la France de Vichy rompit ses relations diplomatiques avec la Grande Bretagne...

Elles ne seront rétablies que 4 ans plus tard avec la victoire des alliés ...

            ... mais c'est une autre histoire !