Le 26 décembre 1930, voilà exactement 92 ans, Jean Tenenbaum, dit Jean Ferrat, voit le jour à Vaucresson dans la proche banlieue parisienne. Il est le plus jeune d'une famille de quatre enfants élevés par un père joaillier et une mère fleuriste.

En 1935, ses parents s'installent un peu plus loin, à Versailles. Pas dans le Versailles des dynasties bourgeoises, mais dans celui d'une famille modeste, laborieuse, aimante et protectrice.

Survient la Seconde Guerre mondiale. Son père est juif, sa mère ne l'est pas. Très vite, son père est arrêté et déporté à Auschwitz; il n'en reviendra pas. Le reste de la famille sera protégé et sauvé par des militants communistes. Mais, plus qu'à l'idéologie de ces hommes, c'est à leur générosité, à leur abnégation, à leur refus d'une autorité pervertie que Jean Ferrat restera fidèle jusqu'à son dernier souffle.

Au début des années 1950, il fait partie d'une troupe de théâtre et commence à fréquenter les cabarets. Il compose quelques titres et devient guitariste dans un orchestre de jazz.

En 1956, après avoir porté différents pseudonymes (Jean Laroche, Franck Noël), il adopte définitivement celui de Jean Ferrat, emprunté à la ville de Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Cette même année, il fait la connaissance de Christine Sèvres. Lui, guitare au bras, court les cabarets; elle, ne chante pas encore professionnellement. En 1957, Jean décroche un vrai contrat dans le cabaret parisien de Michel Valette, La Colombe, où il passe en première partie de Guy Béart, avec Anne Sylvestre, également débutante. Il enregistre un premier 45-tours qui ne rencontre aucun succès.

Il rencontre un jeune producteur, Gérard Meys, qui, très vite, lui fait signer un contrat chez Decca; leur collaboration durera plus de cinquante ans. Une amitié qui devient, au fil du temps, une réelle fraternité, chacun tenant son rôle dans la complicité et la confiance.

1960, Ferrat sort un deuxième 45-tours de quatre titres contenant Ma Môme. Cette belle chanson d'amour prolétaire lui vaut son premier succès à la radio. Sur le même disque, Ferrat signe un titre consacré à Federico García Lorca, dans lequel il rend hommage au poète espagnol, assassiné à l'âge de trente-huit ans, en 1936, par les Franquistes. Il chantera également ses poèmes et lui consacrera d'autres textes. Dans ce disque, il donne les directions que prendra son œuvre: l'amour et la lutte contre toute forme d'oppression.

L'année suivante, Jean Ferrat est engagé pour six mois à l'Alhambra, dans le spectacle de la chanteuse et danseuse Zizi Jeanmaire, pour qui il écrit plusieurs chansons. Il sort également son tout premier 33-tours et reçoit le prix de la S.A.C.E.M. Sa carrière est lancée mais le succès public n'est pas encore vraiment au rendez-vous. Fort d'une personnalité sincère et intègre, Jean Ferrat ne cessera jamais de s'exprimer sur les sujets qui le révoltent. En novembre 1961, il rencontre Isabelle Aubret. Leur amitié sera indéfectible. Le deuxième 33-tours, La Fête aux copains, sort en novembre 1962 et n'obtient qu'un succès d'estime. Ce n'est qu'en 1963, avec Nuit et brouillard, qui évoque la déportation, qu'il marque fortement et durablement les esprits. La diffusion de cette chanson à la radio est plutôt déconseillée, mais le public ne reste pas indifférent à la force et à la pudeur des propos de Ferrat. Cet album, entièrement écrit par lui, obtient le prix de l'Académie Charles-Cros.

Jean Ferrat s'installe dans la commune d'Antraigues-sur-Volane, près de Vals-les-Bains, en Ardèche. Ce lieu lui inspire la chanson La Montagne, qui va l'installer durablement dans le cœur du public. C'est d'ailleurs dans le cimetière de cette petite commune qu'il sera inhumé le 16 mars 2010.

 

En janvier 1965, il passe en vedette à l'Alhambra. Son nouvel album, Potemkine, provoque une polémique autour du communisme et de l'Union soviétique, que Ferrat égratigne dans son texte. Il gardera toujours un jugement très critique, notamment à l'égard de l'Union soviétique. Cette chanson, également interdite de télévision en France, l'empêche d'effectuer peu après un voyage en U.R.S.S. Reconnu comme une des valeurs sûres de la chanson française, il enchaîne les tournées en Europe, en Afrique du Nord et au Canada où il est très populaire. Jean Ferrat connaît de nouveaux démêlés avec la censure, essentiellement autour du titre Ma France, dont il signe les paroles et la musique. Après un nouvel album en 1970, Camarade, il triomphe au Palais des Sports de Paris et continue les tournées jusqu'en 1972. À partir de cette époque, Jean Ferrat se fait plus rare. Ses productions discographiques s'espacent. Une ultime tournée a lieu en 1973. On ne le reverra presque plus sur scène.

1975, avec Un air de liberté, il attaque frontalement Jean d'Ormesson, dont un éditorial sur la chute de Saigon l'avait scandalisé. Désormais Jean Ferrat mène ses combats en solitaire, enregistre quelques disques qui se vendent tous à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires et choisit les émissions dans lesquelles il apparaît. En 1980, avec Le Bilan, il dénonce les propos de Georges Marchais, premier secrétaire du P.C.F., qui juge le bilan du communisme globalement positif. En 2007, il soutient José Bové : « Je soutiens ses combats contre les O.G.M. en pleins champs, la mal-bouffe et pour la défense des paysans. » Sa dernière prise de position politique a été son soutien à la liste présentée aux élections régionales de 2010 par le Front de Gauche en Ardèche.

Jean Ferrat restera comme l'un des derniers représentants de la chanson combattante, engagée pour un monde plus juste et plus égalitaire. Il a aussi permis de mieux faire connaître l'œuvre de Louis Aragon dans les milieux populaires.

« C'était un homme engagé mais il n'était pas hurleur de sentences. Il le faisait avec poésie. » C'est ainsi que Georges Moustaki dépeint son ami Jean Ferrat. Artiste porté par l'idéal communiste depuis le début des années 1950, Ferrat a signé quelque deux cents chansons qui courent encore dans les rues, emportées par sa voix de velours. Ses colères et ses combats sont toujours enveloppés de ce timbre chaleureux, simple et élégant. Il n'a eu de cesse de s'opposer à l'injustice, à la fuite des valeurs humanistes, à la victoire du cynisme et du profit. Il a ainsi rencontré un large public où intellectuels et ouvriers s'accordaient sur les évidences qu'il dénonçait, même si chacun portait une analyse en lien direct avec sa propre appartenance.

Il s'éteint le 13 mars 2010 à Aubenas.

Ce même jour, une manifestation à Paris dénonce la reprise des expulsions locatives. Il l'aurait évidemment soutenue.

mais c'est une autre histoire

Version audio avec illustration musicale sur Radio Pays d'Hérault, à écouter ICI

 

 

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