Le 23 décembre 1871, voilà exactement 150 ans, a lieu la première de "Aïda" de Giuseppe Verdi lors de l'inauguration du nouvel Opéra flambant neuf du Caire. C’est sur la demande du khédive Ismaïl-Pacha, vice-roi d’Égypte et en prévision de l'inauguration d'un nouvel Opéra au Caire, que Giuseppe Verdi compose “Aïda”. La commande était précise : créer un œuvre de prestige, un opéra purement antique et égyptien avec une mise en scène rigoureusement exacte et une couleur locale strictement conservée.

Des précisions à cette genèse du célèbre opéra sont apportées par Jean-Luc Chappaz, conservateur en chef du Musée d’art et d’histoire de Genève : “[Le librettiste Camille du Locle cherchait le sujet d’un nouvel opéra dont il fournirait le livret à Verdi. Un voyage en Égypte, en 1869, lui donna l’occasion de se lier à l’égyptologue français Auguste Mariette, directeur des Antiquités, très proche du vice-roi. Que se dirent-ils alors ? Nul ne le saura jamais, mais il est probable que c’est à ce moment-là que le projet de créer un opéra égyptien dût voir le jour : Mariette se serait occupé de convaincre le khédive, Camille du Locle de trouver un compositeur de talent, si possible Verdi. Les discussions furent longues, le salaire proposé généreux, et ce n’est qu’après la lecture d’un scénario anonyme que Verdi accepta. On sait aujourd’hui que l’auteur de ce "programme" n’est autre que Mariette lui-même.”Capture du2019écran 2014 12 20 à 17.37.56

Rappel de l'intrigue : Aux temps des Pharaons, l’esclave Aïda et le général égyptien Radamès s’aiment en dépit des conflits politiques qui déchirent leurs pays. La guerre éclate et Radamès victorieux se voit offrir la main de la fille du roi d’Égypte, Amneris. Le choix s’offre à lui : trahir son pays ou trahir son amour…

 

Tout devant être préparé dans les meilleures conditions pour la renommée naissante du nouvel Opéra khédivial, il est décidé que les décors, costumes et accessoires, seront fabriqués à Paris, sous le contrôle direct de Mariette. Arrivé sur place en juillet 1870, il dessine lui-même les costumes et donne les modèles des décors. Le temple de Vulcain est une restitution du Ramesseum de Thèbes, du temps de la dix-neuvième dynastie. Le temple d’Isis à l’acte III est une reproduction du temple de Philæ. La statue colossale de l’acte IV a été relevée dans la première cour du temple de Medinet-Abou. Les bijoux ainsi que la barque et la vache sacrée ont été copiés au musée de Boulaq. Certains costumes ont été relevés sur la tombe même de Ramsès III.

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Pourtant, c’est pour les costumes que Mariette rencontre les plus grandes difficultés : ”Je suis obligé de tâtonner, d’essayer, de faire et de défaire", dit-il, car “marier dans une juste mesure les costumes anciens fournis par les temples et les exigences de la scène moderne constitue une tâche délicate. Un roi peut être très beau en granit avec une énorme couronne sur la tête" ; et il ajoute : "mais dès qu’il s’agit de l’habiller en chair et en os et de le faire marcher, et de le faire chanter, cela devient embarrassant et il faut craindre de… faire rire.”
Mariette est toutefois satisfait du résultat : “ Non seulement les costumes sont élégants et riches, mais ils sont exacts. Les décors aussi. Au lever du rideau, on se croira véritablement en Égypte”, dit-il, ravi !

Alors que la première représentation d’Aïda au Caire doit avoir lieu en janvier 1871, les costumes et les décors restent bloqués à Paris pour cause de guerre franco-prussienne. Une autre date est donc prévue : la veille de Noël 1871, soit quelques semaines avant une autre création du même opéra… à Milan ! Il y aura donc deux productions indépendantes d’Aïda, chacune avec ses propres chanteurs, costumes et décors.

Dès la première représentation, l’accueil fut enthousiaste. Quelques semaines plus tard, le 8 février 1872, Verdi fut honoré de trente-deux rappels à la Scala de Milan et reçut, en hommage, une baguette en ivoire rehaussée d’une étoile de diamant. Un accueil magistral lui sera réservé, à Paris, le 22 avril 1876.
Il semble qu’on apprécia davantage son génie musical à Milan et à Paris qu’au Caire, où les critiques apprécièrent surtout les “magnificences archéologiques”.

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Dans sa facture musicale, Aïda est une œuvre de génie. Mais, autant dans sa genèse que dans sa mise en scène, cet opéra n’aurait pas vu le jour – à tout le moins sous le ciel d’Égypte – sans l’intervention d’un autre “génie” : l'égyptologue français Auguste Mariette appelé "le grand Mamour" qui décèdera 18 janvier 1881.

.....mais c'est une autre histoire:

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