Le COLBAC (Comité de Liaison Biterrois Anti Corrida) a manifesté une nouvelle fois à Béziers, ce dimanche 13 août dans les rues de Béziers la ville, au milieu d’une foule venue faire la fête, surprise, indifférente, souvent hostile. Sophie Maffre Baugé, présidente de cette association nous dresse le bilan de cette manifestation et les raisons de son combat pour l’abolition de la corrida dans un entretien exclusif pour « En Vie à Béziers ».

Robert Martin : Sophie Maffre Baugé, bonjour, ce dimanche 13 août, nième manifestation à Béziers à l’occasion de la feria pour demander l’abolition de la corrida. Le Colbac ne renonce pas !

Sophie Maffre Baugé : Bonjour, il ne renoncera jamais. Le Colbac a 30 ans aujourd’hui et il ne renoncera pas d’autant plus qu’on est en bonne place pour atteindre notre but. C’est important de continuer à se mobiliser sur le terrain. Cela permet d’exprimer vraiment et collectivement notre opposition à la corrida. Nous étions ce dimanche relativement nombreux, très visibles dans les rues de Béziers, avec une présence politique. C’était vraiment important d’être là. Ces manifestations pendant la feria sont essentielles pour nous. Nous les préparons longtemps à l’avance, car il est important de porter notre message, nos revendications à ce moment précis de l’année où des taureaux sont tués et massacrés simplement pour divertir.

RM : Le Colbac n’était pas le seul, vous aviez invité d’autres associations ?

SMB : Oui, bien sûr, étaient présents, le CRAC Europe, l’Alliance éthique qui se bat pour la cause animale, très engagée sur l’anticorrida, la FLAC, puis évidemment l’ensemble des associations animalistes avec « One Voice », le « Parti Animaliste ». Des parlementaires étaient également présents, ainsi que des personnalités comme Henri-Jean Servat.* Celui-ci nous a adressé une lettre qui utilise pour qualifier la corrida des termes vraiment peu glorieux. (Lettre envoyée également aux époux Ménard en leur demandant de « foutre la paix aux taureaux ») 

RM : Ce dimanche à Béziers, beaucoup de monde quand vous êtes arrivés sur les Allées Paul Riquet. Comment faire comprendre aux gens que « feria » et « corrida », cela peut être séparé ?

SMB : C’est simple ! Il suffit de compter le nombre de gens qui participent à la Feria et ceux qui sont dans les arènes. Chaque année, c’est environ la même chose, 3 à 5 % des personnes qui fréquentent la Feria vont voir les corridas. Si un jour, on n’a plus de corridas, dans cette grande fête populaire, c’est seulement 5 % de personnes qui ne viendront plus. En revanche, il y en aura peut-être d’autres, car les corridas révulsent énormément de monde. Cela donne une très mauvaise image de Béziers. Une grande fête populaire sans mise à mort et sang versé dans les arènes pourrait attirer d’autres gens. La feria est tout à fait possible sans les corridas. Par contre, il faut comprendre que les corridas ont besoin de cet afflux de touristes à Béziers pour pouvoir remplir les travées des arènes. On peut tout à fait dissocier les deux, même si, à la base, la feria est une fête autour de la tauromachie. Mais justement, on évolue. En 2023, pour 8 Français sur 10, cette cruauté n’est plus acceptable ! Imaginez, on vient voir un animal traqué par les peones, puis blessé (on lui enfonce des piques dans les flancs). On voit qu’il saigne et on applaudit cette souffrance-là !

RM : Quand on interroge les gens au bord du trottoir, pendant la manifestation, un mot revient en permanence, c’est le mot tradition. De quelle tradition s’agit-il ?

SMB : La corrida qui est une tradition espagnole a été implantée il y a 120 ans à Béziers. (La tradition française des jeux taurins est bien plus ancienne.) Il existait par le passé des traditions très très cruelles dont notre civilisation s’est peu à peu affranchie. La tradition ne justifie absolument rien, elle explique, mais elle ne justifie plus.

RM : On aurait pu parler des enfants qu’on habitue à ce type de spectacle, voire, auxquels on apprend à tuer des taureaux dans les écoles taurines. C’est un sujet que nous avons abordé plusieurs fois. Mais au-delà de la souffrance animale et de la jeunesse, que signifie la corrida de notre relation au monde vivant en général et au monde animal en particulier ?

SMB : Justement, cela révèle le côté obscur de l’homme et son besoin de domination. Ce qu’on montre surtout, la souffrance de l’animal. On porte atteinte à son intégrité physique. On lui fait subir des douleurs insoutenables jusqu’à la mort. Et c’est cela qui serait beau ? Quels êtres humains sommes-nous pour continuer à tolérer de tels spectacles. Et à les montrer en exemple à nos enfants ?

RM : L’année dernière, une loi d’abolition de la corrida a failli être votée. Aujourd’hui quelles perspectives pour l’avenir de votre combat ?

SMB : Il faut d’abord relever que 4 députés étaient présents ce dimanche dont Aymeric Caron porteur de ce projet de loi qui n’a pu être débattu à cause d’obstructions faites par d’autres députés. C’était un signal fort. On manque souvent de courage politique, mais enfin des élu·es sont en train de travailler sur ces questions et nous sommes là pour les aider à obtenir cette victoire. Nous obtiendrons l’abolition définitive de la corrida puisque je vous rappelle qu’au niveau du Code pénal, ces actes sont bien des actes de cruauté envers un animal, donc ce sont des délits de par la loi. Ces délits sont passibles de lourdes peines : 5 ans de prison et surtout 75 000 € d’amende. Or, chez nous, une exception persiste. Il n’y a pas de sanction appliquée à ce délit, mais le délit est bien là. Il faut donc obtenir que la corrida soit sanctionnée de la même manière partout en France. On ne comprend pas pourquoi elle est sanctionnée dans le nord de la France et pas dans le Sud (en région taurine). La cruauté n’est acceptable nulle part. Notre message est clair, il faut ne plus tolérer la corrida, en France, sans aucune exception.

RM : À titre personnel, quand vous entendez des cris haineux, des insultes comme ce dimanche après-midi, quel est votre sentiment ? Cela vous donne-t-il du courage et de la force ou bien de la résignation ?

SMB : Personnellement, je n’en fais absolument pas cas, je n’écoute pas les aficionados. Je sais très bien que je ne les convaincrai pas. Ce qui est plus choquant, ce sont les propos de Robert Ménard, maire de Béziers, qui nous insulte, régulièrement, qui nous méprise, en nous traitant « d’animalistes à 4 balles », de pacotilles et j’en passe. Quand votre adversaire vous insulte et vous méprise et que son seul argument c’est de dire « si vous n’aimez pas la corrida, personne ne vous oblige à y aller » ou plus trivialement : « arrêtez de nous casser les couilles et de nous emmerder », cela montre juste le vide de son argumentation et sa faiblesse. Cette question posée sur la place publique dérange et elle dérange en particulier Robert Ménard. 

RM : Merci pour cet entretien et bon courage pour votre combat.

SMB : Merci beaucoup d’avoir été là pour nous suivre dans ces manifestations. 

 *Henry-Jean Servat, écrivain et journaliste, a publié de très nombreux ouvrages sur le cinéma, les acteurs, l’histoire. Élu municipal de Nice depuis 2020, il s’est vu priver, depuis jeudi 22 juin, de ses délégations à la protection animale et au cinéma.

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