Jean-Luc Godard dit : "Je ne fais pas de cinéma politique, je fais politiquement du cinéma... ".
Cette citation, un peu laconique et mystérieuse, est aujourd'hui éclairée par un dialogue entre Marcos Uzal (directeur des Cahiers du cinéma) et François Bégaudeau (écrivain et critique littéraire) ; cet échange est publié dans le dernier numéro des cahiers du cinéma (n° 784, février 2022).
Marcos Uzal expose que les mises en scène "naturalistes" visent à coller à la réalité à travers une forme qui tend à abolir les distances pour se rapprocher d'une sensation de prise directe. D'un point de vue politique, ces films se centrent généralement sur une situation sociale problématique avec un tel manque de distance que les personnages ne peuvent être autre chose que les représentants prédéterminés d'une classe, d'un milieu ou d'une fonction sociale.
François Bégaudeau poursuit en observant qu'il y a politique lorsqu'il y a dissensus, voire conflit, et les rapports qui forment une situation politique sont d'abord des rapports économiques et sociaux.
Ce n'est toutefois pas le sujet qui définit le film politique mais la façon dont il regarde.
Il faut "inventer des distances"…comme le suggère le titre de l'entretien.
A signaler la sortie de deux films :
Petite Solange d'Axelle Ropert
Avec : Jade Springer, Léa Drucker, Philippe Katerine
Marcos Uzal (les Cahiers du cinéma) :
"Avec Petite Solange, Axelle Ropert fait preuve d’une double audace : filmer un drame en apparence petit, banal, et le faire au premier degré, au ras des sentiments. (...) Il y a quelque chose du cinéma d’Ozu (le goût du saké,1962), dans cette manière très concrète de se pencher sur de microscopiques drames et de progressives séparations qui finissent par former une grande déchirure muette et irréversible entre les membres d’une famille. Ou dans ces plans furtifs de lieux vides ou d’objets, qui rappellent le passage du temps à travers ce qui demeure par-delà les événements humains."
Introduction
film sud-coréen de de Hong Sang-Soo (hôtel by the river, la femme qui s'est enfuie…)
Mathieu Macheret (Cahiers du cinéma) :
"L’art de Hong Sang-soo en est désormais arrivé à ce stade suprême de frugalité, de modestie et de délicatesse qu’il n’a plus besoin de jouer sur autre chose que sur l’ampleur des vides qui parsèment ses récits, maître du manque et des lisières, qui ne saisit plus de la douleur d’aimer que le versant aveugle, indicible."