Le traitement des boues de STEP (station d’épuration)
Le traitement biologique du contenu des égouts par des microbes produit des « boues ».
On appelle « boues » ce qui est retiré des eaux usées, c-à-d les déchets organiques ainsi que les microbes qui se sont multipliés et agglomérés autour de ces déchets.
Ces boues organiques, assimilables à du fumier, étaient systématiquement autrefois épandues en tant que matière fertilisante sur les sols cultivés. Mais à mesure que s’est développée l’industrie chimique et que se sont multipliés les rejets de produits chimiques à l’égout, les boues de STEP sont devenues polluantes. En zone rurale, où l’industrie est rare, voire absente, les boues continuent d’être épandues comme du fumier. Mais l’épandage des boues urbaines est devenu suspect de polluer les sols et les cultures. C’est pourquoi il n’est actuellement autorisé qu’en quantité très limitée. Manquant de terrains d’épandage pour ses boues polluées, l’agglo biterroise a demandé et obtenu l’autorisation de les incinérer et s’est lancée dans la construction à Béziers d’un incinérateur pour y bruler chaque année 15 000 tonnes de boues et de graisses extraites des eaux usées. Une « solution » pire que le mal comme nous allons le voir :
Le feu a bonne réputation parmi les acteurs de la gestion des déchets : il passe pour diminuer la quantité des ordures en les réduisant à un peu de cendre. On croit aussi qu’il améliore la qualité des déchets en les purifiant. La réalité est exactement inverse.
Le feu multiplie la quantité des déchets
Sans oxygène, aucun feu n’est possible, car une combustion n’est rien d’autre qu’une oxydation, c-à-d une réaction chimique au cours de laquelle un combustible quelconque se combine avec de l’oxygène pour former des oxydes. Le carbone contenu dans les déchets devient en brulant de l’oxyde de carbone (CO2), le soufre devient oxyde de soufre (SOx), l’azote devient oxyde d’azote (NOx), etc. La cendre est la partie du combustible qui n’a pu s’oxyder. Certains matériaux (ferraille, cailloux, verre…) rebelles à l’oxydation par le feu sortent de l’incinérateur sans avoir été altérés.
Un incinérateur, pour consommer de l’oxygène, est obligé d’employer une grande quantité d’air. L’atmosphère ne contient en effet que 21 % d’oxygène. Le reste est presque uniquement de l’azote. En d’autres termes, l’atmosphère terrestre contient environ un cinquième d’oxygène et quatre cinquièmes d’azote. Pour bruler, c-à-d pour oxyder entièrement une tonne de déchets ménagers (ou de boues d’assainissement déshydratées) il faut donc théoriquement 4 à 5 tonnes d’air. Mais en pratique, un incinérateur qui n’emploierait que cette quantité d’air produirait beaucoup d’imbrulés. En effet, l’azote atmosphérique, au lieu de rester en dehors de la combustion, s’oxyde lui aussi, diminuant de ce fait la quantité d’oxygène disponible pour les déchets. Cette oxydation de l’azote atmosphérique s’observe dans toutes les combustions. Par exemple, l’essence des moteurs d’automobiles et de camions est un hydrocarbure (mélange d’hydrogène et de carbone) qui ne contient aucun azote. Et pourtant, les gaz d’échappement de ces véhicules contiennent du dioxyde d’azote (N02). C’est pourquoi les incinérateurs de déchets fonctionnent toujours avec un excès d’air d’environ 80 % par rapport à la théorie.
La réglementation va même plus loin : pour calculer les taux de polluants dans les fumées d’incinération, elle se fonde sur un excès d’air de 110 %.
En pratique, un incinérateur, pour bruler une tonne de déchets, consomme environ 6 tonnes d’air. Cet air sous forme de fumée toxique est le principal déchet de l’incinération.
Puisqu’une tonne de déchets produit au moins 6 tonnes de fumée, l’incinération, loin de réduire la quantité des déchets, la multiplie par 6.
Mais ce n’est pas tout : la réglementation exige que les fumées, en raison de leur toxicité, soient traitées avant d’être évacuées par la cheminée. Pour ce traitement, on utilise divers réactifs. Ainsi l’incinérateur biterrois de boues et graisses doit utiliser bicarbonate, charbon actif et ammoniac en grosse quantité.
Au total, un incinérateur produit environ 7 tonnes de déchets pour en bruler une tonne. Or les lois sur les déchets se donnent toutes pour premier objectif de prévenir, d’éviter, de réduire la production de déchets. Parce qu’elle va à l’encontre de cet objectif légal, l’incinération devrait être purement et simplement interdite.
L’incinération aggrave aussi la toxicité des déchets
À partir de déchets peu ou pas toxiques, l’incinération génère d’innombrables polluants qui contaminent l’air, le sol et les eaux. En effet au cours de la combustion des molécules se décomposent pour former d’autres molécules, différentes des premières. Beaucoup sont très toxiques, comme les organochlorés et, parmi eux, les furanes et dioxines. Les dioxines sont de redoutables dérégulateurs hormonaux.
Prétendre que seuls les vieux incinérateurs sont polluants est une contrevérité. Les usines modernes se contentent pour toute dépollution de filtrer les poussières et les dioxines, de désacidifier les fumées, de désodoriser les rejets gazeux et de traiter les oxydes d’azote.
En quoi cela empêche-t-il l’émission de gaz toxiques dans l’environnement ? Certes à la température de 850 degrés pendant 2 secondes — exigée par la réglementation — la plupart des gaz toxiques sont décomposés en gaz inoffensifs, mais comment empêcher que se reforment des molécules nocives très variées pendant la phase de refroidissement et de condensation des gaz ?
De plus, l’incinération fabrique des poussières fines. Les plus fines (dimension inférieure à 2,5 microns) sont particulièrement dangereuses : elles passent à travers les filtres de l’usine d’incinération puis franchissent la barrière pulmonaire. Elles sont à l’origine de maladies respiratoires et s’introduisent dans le sang générant à terme diverses maladies et des cancers.
Ces particules ultrafines ne sont pas contrôlées aujourd’hui.
Parce que les déchets ménagers et les boues de STEP contiennent tout et n’importe quoi, leur combustion équivaut à bruler une matière inconnue. On déclenche ainsi des réactions chimiques inattendues et incontrôlables. Par effet cocktail, les pires polluants peuvent ainsi se former et s’échapper de l’usine. Parmi eux, on a décelé même du phosgène, substance très agressive que l’armée a utilisée comme gaz de combat.
Les boues de la STEP biterroise, avec autorisation de la préfecture, peuvent être actuellement épandues sur des terres agricoles. C’est la reconnaissance officielle qu’elles sont peu dangereuses. Mais quand elles sont incinérées, ces boues produisent des REFIB (résidus d’épuration des fumées) si toxiques qu’ils doivent être enfouis en décharge de classe 1 pour « déchets industriels spéciaux », c-à-d les déchets les plus toxiques de l’industrie.
L’État reconnaît ainsi qu’un incinérateur fabrique des toxiques très dangereux.
Tout cela est parfaitement incompatible avec la directive-cadre européenne n° 2008/98/CE et avec le droit français qui tous deux se donnent pour premier objectif de prévenir ou réduire la nocivité des déchets.
Dans le mémorandum de l’Appel de Paris (09/11/06) rédigé par 68 experts internationaux la mesure 130 est la suivante :
« M130 : Interdiction d’incinération et de co-incinération des boues d’épuration. »
Les polluants les plus dangereux, présents dans les boues d’épuration sont :
Le cadmium, le plomb, le mercure, le chrome hexavalent et certains composés du nickel et le cuivre. Ces métaux contaminent l’air à la sortie des incinérateurs ou se concentrent dans les cendres. L’Union européenne et les États membres doivent formellement interdire toute incinération ou co-incinération utilisant des boues d’épuration. Ceci est en complète contradiction avec les engagements pris par la France à Rio en juin 1992.
Conclusion : que faire ?
Parce qu’elles contiennent environ 90 % d’eau, les boues sont le plus mauvais combustible qui soit. Leur vocation n’est pas de devenir cendres et fumées, mais de fertiliser les sols cultivés. Riches en excréments, en azote (celui des urines) et en résidus organiques, les boues sont du fumier humain. Encore faut-il que ce fumier ne contienne pas de molécules toxiques susceptibles de polluer les sols et les cultures. C’est pourquoi le tout à l’égout est dépassé.
- Il faut rappeler fermement aux industriels que la loi les oblige à traiter eux-mêmes tous leurs déchets. Ils n’ont pas le droit de déverser dans le réseau d’égout des résidus minéraux toxiques que les STEP sont incapables de traiter et qui polluent les cours d’eau. D’ailleurs en vertu du secret industriel les entreprises sont seules à savoir exactement ce que contiennent les effluents qu’elles déversent à l’égout. Ce secret est aggravé par l’instruction gouvernementale du 6 novembre 2017 qui sous prétexte de prévenir des attentats terroristes contre des sites industriels impose le secret sur les « informations sensibles ».
- Les ménages utilisent de nombreux produits fabriqués par l’industrie (détergents, dégraissants, décapants, détartrants et autres produits d’entretien) sans connaître l’impact de ces substances sur l’environnement. De grands efforts sont actuellement faits pour instituer le « tri sélectif » des ordures ménagères jetées à la poubelle. Mais nul ne se soucie d’instituer un tri analogue pour les déchets liquides jetés à l’égout.
La dernière conférence-débat du comité biterrois du MNLE a eu lieu le 10 février à 18 h à la maison de la vie associative « Maison Daniel Cordier », 2 Rue Jeanne Jugan, 34500 Béziers.
Aucune autre n’est prévue pour l’instant.