La croyance aveugle dans le pouvoir de la cryptomonnaie a amené le président argentin Javier Milei à provoquer un scandale financier.
Le vendredi 14 février au soir, le président argentin élu en décembre 2023 publie un message sur son compte X. Il invite les Argentins à investir dans une cryptomonnaie, la « $Libra ».
Il encense cette mise sur le marché sans retenue : « L’Argentine libérale grandit !!! Ce projet privé se dédiera à stimuler la croissance de l’économie argentine, en finançant des petites entreprises (…) le monde entier veut investir en Argentine ».
Le post reste en ligne pendant six heures, le temps que la cryptomonnaie se lance.
Près de 44 000 personnes se ruent sur la « $Libra », puis son cours s’effondre brutalement. Les sociétés et personnes à l’origine du projet, viennent de le vendre en un temps record pour la modique somme de 87 millions de dollars ( 83 millions d’euros ).
Les 44 000 investisseurs, eux, ont perdu toutes les sommes engagées.
Ce vol organisé est une arnaque pyramidale, elle n’a rien de nouveau, mais elle fait irruption dans le monde financier de la cryptomonnaie. Un monde où tout va beaucoup plus vite.
Passée la première stupeur, les spécialistes économiques pointent la responsabilité du président argentin dans la promotion d’un projet « qui n’avait aucune valeur économique ».
4,4 milliards de dollars sont partis en fumée avec la caution du président argentin.
Celui-ci aura beaucoup de mal à se dégager d’une procédure de destitution lancée par l’opposition. Quant à sa base électorale qui a misé sur le mauvais cheval je vous laisse imaginer les conséquences.
Pour ce qui est d’un hypothétique règlement judiciaire de cette affaire, les experts sont dubitatifs et les créateurs de cette arnaque pourraient s’en sortir sans procès.
Comme dans les grandes affaires de spéculation boursière, les créateurs se reposent sur la liberté d’investir et de vendre, érigée en principe suprême dans le monde de la cryptomonnaie.
Pourtant, l’une des sociétés ayant accompagné le lancement de la « $Libra », Kelsier Ventures, n’en est pas à son coup d’essai. Ce sont eux qui ont lancé il y a un mois, le « Melania Coin », du nom de la première dame américaine, faisant par-là chuter le « Trump Coin », deux jours seulement après son lancement.
Ces cryptomonnaies appelées « memecoins » créées dans un but purement spéculatif sont inspirées des tendances d’Internet et des réseaux sociaux. Selon des informations de la presse spécialisée, Kelsier Ventures prévoyait également de lancer une même arnaque au Nigeria.
Tout ça se déroule bien entendu dans un contexte d’absence de régulation.
Après la crise financière de 2008, plusieurs garde-fous et règles ont été mis en place sur les marchés financiers.
Les cryptomonnaies se sont construites avec une volonté de simplifier les échanges et le contrôle des États en contournant les obstacles règlementaires.
Face au scandale financier, Javier Milei a supprimé son premier tweet et s’est fendu d’un second, dans lequel il affirme ne pas avoir eu connaissance des « détails du projet » et n’avoir « évidemment aucun lien » avec les responsables du krach.
Pourtant, le doute plane quant au degré réel d’ignorance du président argentin. En premier lieu parce que le propriétaire de l’une des sociétés à l’origine du lancement de « $Libra », Kip Network, connaît Milei et l’a croisé plusieurs fois, photos à l’appui.
Ensuite, parce que le lien vers le projet est enregistré sous « vivelalibertadproject.com », un nom très proche du slogan de campagne de Milei « Viva la libertad, carajo ! » que l’on peut traduire par « Vive la liberté, putain ! »
Il faut aussi souligner que le même Milei, a déjà fait la promotion d’une cryptomonnaie, « CoinX », qui a par la suite été accusée de fraude. C’était en 2021, il a reconnu depuis avoir été rémunéré pour cette promotion.
Juste retour des choses, le slogan de campagne de Milei est caricaturé en un ravageur « Vive l’arnaque, putain ».
Effectivement la liberté invoquée ressemble de plus en plus à de l’arnaque.