En guerre (s) pour l’Algérie sur Arte

par | 6 mars 2022 | Société

L’historienne Raphaëlle Branche vient de réaliser une série de 6 films documentaires où elle donne la parole à tous les protagonistes de la guerre d’Algérie. Ces films sont toujours visibles sur ARTE TV en podcast. Jacques Cros, un ancien appelé, du contingent nous donne son point de vue sur cette série.

Comme sans doute de nombreux appelés du contingent qui ont effectué tout ou partie de leur service militaire en Algérie au temps de la guerre d’indépendance j’ai suivi ces émissions qui étaient diffusées les mardi 1er et mercredi 2 mars sur Arte. C’est une rétrospective fidèle des événements qui ont marqué notre histoire.

Raphaëlle Branche, l’universitaire qui s’était chargé de rechercher et de nous présenter les protagonistes de cette affaire, a sollicité 66 témoins qui ont donné la vision de ce qu’ils ont vécu. Le déroulement des faits était donc étayé par leurs interventions.

La guerre d’Algérie commence le 1er novembre 1954 mais ses racines sont antérieures et plongent dans le colonialisme qui avait été déjà mis en cause le 8 mai 1945 avec les événements de Sétif, Guelma et Kherrata qui ont eu pour conséquence une répression sanglante.

1955 a été l’année d’une relance, essentiellement dans le Constantinois, de l’insurrection. Elle s’est traduite elle aussi par une terrible répression qui a donné le ton à ce qu’a été la suite du conflit. Le fossé s’est encore creusé entre les communautés.

1956 c’est la victoire de la gauche aux élections législatives. On attendait la paix en Algérie. Hélas, suite au voyage de Guy Mollet, alors président du conseil, en Algérie, les Européens qui vivent là-bas font pression. Les pouvoirs spéciaux sont votés le 12 mars et on s’installe dans la guerre.

1958 c’est un Coup d’Etat qui permet à De Gaulle de revenir au pouvoir. La légalité sera officialisée avec le référendum de septembre et l’adoption de la nouvelle constitution, celle qui régit la 5ème République sous laquelle sont aujourd’hui nos institutions.

En septembre 1959 De Gaulle emploie le mot d’autodétermination. Sans doute a-t-il pris conscience qu’il n’y a pas de solution militaire à un problème politique. Il s’en suit une révolte des Pieds Noirs qui s’exprime au cours de la Semaine des barricades en janvier 1960. On assiste alors au début de la rupture entre la communauté européenne d’Algérie et le pouvoir de la France.

En 1960 des manifestations d’Européens ont lieu à Alger et Oran. Elles se soldent par des dizaines de morts suite à l’intervention de l’armée. La rupture est cette fois consommée.

1961, un référendum, qui a lieu en janvier ,confirme l’adhésion des Français à la perspective d’autodétermination proposée par le chef de l’État. Il est mal reçu en Algérie et au mois d’avril une tentative de putsch menace la République. C’est un échec dû à plusieurs facteurs, le document souligne le rôle joué par les appelés du contingent.

À peu près en même temps est créé l’OAS qui refuse systématiquement toute idée d’indépendance de l’Algérie et organise des attentats terroristes qui font finir par provoquer un chaos indescriptible. Roger Gavoury, commissaire central d’Alger, est assassiné pour avoir lutté efficacement contre le putsch.

Il y aura divers épisodes en 1961 et 1962. Une grève des autochtones en juillet 1961, les massacres du 17 octobre puis de Charonne le 8 février. La caméra s’arrête un long moment sur les essais nucléaires effectués au Sahara. Ils rompent avec l’anachronisme de la guerre coloniale qui se poursuit encore.

Ce sont ensuite les Accord d’Évian signés le 18 mars 1962 et qui s’appliquent le lendemain à midi avec le cessez-le-feu. Bien que cela n’ait pas empêché la roue de l’histoire de tourner, on assiste à une recrudescence des actions de l’OAS. Elles auront pour résultats les drames de la rue d’Isly le 26 mars et celui d’Oran le 5 juillet.

Le film fait état des divergences entre le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) qui a signé les Accords d’Évian et l’ALN (Armée de Libération Nationale). Il en résulte un certain chaos dans cette phase de transition.

Le sort des Pieds Noirs qui quittent l’Algérie et des harkis qui tentent de le faire est développé. Les témoins font part de leurs sentiments de l’époque qui peuvent avoir évolué avec le temps. La lutte entre le MNA et le FLN est évoquée. On a le témoignage d’anciens de l’OAS, de moudjahidines, de harkis, d’Européens…

Il m’a semblé qu’était minimisé ce qu’ont vécu les appelés du contingent. Il faut dire que l’itinéraire de chacun d’eux est fort divers. C’est peut-être le résultat du silence auquel ils ont été contraints par le contexte qui a suivi la fin de la guerre d’Algérie. Je crois personnellement que c’est dû à leur désir d’évacuer de leur conscience la mise entre parenthèse de cette fraction de leur vie qu’ont été les longs mois de leur jeunesse qui leur ont été volés.

On pourrait aussi faire une étude sur l’opposition à la guerre qui a eu lieu sous diverses formes en France. À ce propos les interventions d’Alban Liechti ne manquaient pas d’intérêt.

C’est un film qui nous a permis de faire le point sur un pan de notre histoire auquel nous nous intéressons puisque nous en avons été partie prenante.

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Didier Ribo

Description de l'auteur de l'article - co-fondateur du journal majoritaire de Béziers