Au moment où en France et dans le monde la droite extrême et l’extrême droite remettent en cause l’État de droit, il est temps de se rappeler comment le fascisme procède pour le supprimer. En Italie, l’assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti aurait pu signifier la fin du fascisme. À l’inverse, il a signifié la fin de l’État de droit.
Italie, 1924 : meurtre de Matteotti (4) quatrième congrès du Parti national fasciste
21 juin 1925, quasiment un an jour pour jour après l’assassinat de Matteotti, Cesare Maria de Vechi organisateur de la marche sur Rome encense les morts, les tués et les tueurs du Parti national fasciste lors de l’ouverture de son quatrième congrès à Rome.
Le culte de la mort est une des composantes essentielles de l’idéologie fasciste.
Benito Mussolini domine la salle sur une estrade. Il est assis dans un grand fauteuil doré entouré de velours cramoisi. Une fois la commémoration des morts terminée, tel un grand prêtre d’une messe païenne, il ordonne aux congressistes de se rasseoir.
Le secrétaire du parti, Roberto Farinacci, leader des « intransigeants », idole des brutes, prend la parole. Tous les participants l’acclament, car ils savent que sans de telles brutes, le fascisme n’existe pas.
Farinacci, développe son programme politique qui se résume en un néologisme forgé sur le cadavre de Matteotti. Pour lui, il faut « dématteottiser l’Italie », soit organiser la démolition systématique des derniers opposants.
Les oppositions parlementaires, elles, sont retirées sur la colline de l’Aventin dans une position qu’elles pensent défensive.
Divisées sur tout, ces oppositions s’entendent sur deux choses : ne pas faire appel au peuple pour défendre la démocratie, attendre que le roi d’Italie mette fin à l’expérience fasciste.
Lorsque le souverain a avancé au 7 juin 1925 les festivités marquant le 25e anniversaire de son règne, Giovanni Amendola (chef de l’opposition libérale – démocrate) et les autres leaders de la sécession constitutionnelle ont cru voir un signe de bonne volonté royale et ont demandé à être reçus.
Le roi a accepté, il les a reçus sans réagir. Sans réagir, à l’interdiction faite par les chemises noires de Farinacci de commémorer le 13 juin 1925, le premier anniversaire de la disparition de Matteotti.
Une semaine plus tard, Farinacci raille les opposants au congrès fasciste de Rome. Pour lui, la politique du fait accompli précède la doctrine.
Benito Mussolini abandonne son fauteuil doré pour prononcer le discours de clôture, le 22 juin 1925. L’évolution politique le guérit visiblement de son ulcère du duodénum.
Il commence par ranger dans l’armoire aux souvenirs démocratiques la « mystérieuse divinité de l’opinion publique dont nous autres fascistes nous contrefichons ».
Les phrases suivantes sont consacrées à la violence : « Vous savez ce que je pense de la violence. Elle est à mes yeux profondément morale, plus morale que le compromis et la négociation. ». Il rajoute : « Bien sûr, la violence doit toujours être guidée par l’idéal, qui est un idéal fasciste. »
Dans une tirade qu’il intitule : « Que voulons-nous ? », il répond « Une chose sublime, nous voulons fasciser la nation, nous voulons créer un nouveau type d’Italien, l’homme fasciste. ».
Mussolini, porté par l’inaction du roi et de l’opposition, présente un premier projet de loi qui prévoit l’épuration du personnel non fasciste de la fonction publique. Un deuxième projet anéantit ce qui reste de la liberté de la presse et un troisième renforce le pouvoir de l’exécutif.
Au cas où le message ne serait pas assez clair, Mussolini s’arroge les ministères de la Guerre et de la Marine. Il réunit entre ses mains tout le pouvoir des forces armées.
Constatant qu’il a le champ libre pour engager la course à la dictature, il dévoile sa vision de l’avenir : fonder un État, un empire, annexer des territoires pour en faire des colonies.
L’opposition parlementaire et le roi cèdent une nouvelle fois aux perspectives dictatoriales énoncées on ne peut plus clairement par le « Duce » du fascisme.
Pourtant pareille à un miasme, une odeur fétide de sang s’est diffusée pendant 2 jours dans les travées du congrès fasciste.
Toute l’Italie est informée en quasi direct des projets fascistes et cependant, il ne se passe rien.
La violence est savamment orchestrée, diffusée, du côté fasciste, elle induit la peur du côté de la démocratie.
La semaine prochaine, nous verrons comment la violence fasciste quand elle est tolérée fait disparaître toutes formes de démocratie.